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Club RH : des leviers pour faire face aux conduites addictives au travail

Comment les collectivités peuvent-elles prévenir et prendre en charge les conduites addictives des agents au travail ? Le premier webinaire de l’année du Club RH de La Gazette, organisé le 15 mars avec le soutien de la MNT, a fourni des exemples concrets et des conseils pour s’emparer du sujet.

Publié le 18-03-2022

Les conduites addictives représentent un risque à la fois pour la santé et la sécurité des agents concernés et pour le fonctionnement des collectivités. D’où l’importance pour les employeurs territoriaux de les prévenir et de les gérer. Les trois intervenants réunis en visio-conférence par le Club RH de La Gazette, ce mardi 15 mars, ont partagé leur expertise et présenté des retours d’expériences éclairants sur cette thématique.

Zouhir Chernine, coordonnateur du service ergonomie et ingénierie de la prévention des risques professionnels du CIG Petite Couronne, partenaire de la rencontre, a ouvert le webinaire en rappelant ce qu’est une addiction. À savoir « une relation de dépendance à une substance (alcool, tabac, stupéfiants, médicaments) ou à une pratique (jeux, internet, sport…), qui se caractérise par l’impossibilité de contrôler sa consommation ».

Tous les secteurs d’activités concernés 

La présentation de statistiques sur les consommations d’alcool, de tabac et de cannabis a permis de constater que les addictions concernent tous les secteurs d’activités et catégories d’actifs « avec des conséquences sur la perception du risque, la vigilance et l’efficience notamment », a souligné Zouhir Chernine. Toutefois, les 18-35 ans sont les plus exposés. À noter également qu’une prise de responsabilité augmente le risque de consommation d’alcool chez les femmes. Zouhir Chernine a également rappelé que les conduites addictives ont des causes multifactorielles et qu’il est nécessaire de prendre en compte les aspects personnels et professionnels pour mettre en place des actions de prévention. « Le travail peut être protecteur ou inducteur », a-t-il précisé. Certaines conditions de travail (stress, charge, relations interpersonnelles…) influencent la consommation de substances psychoactives.

Même niveau d’information

Le CIG accompagne les collectivités pour identifier les situations de travail susceptibles d’engendrer des conduites addictives, pour l’élaboration du règlement intérieur, pour conduire une démarche de prévention (identifier les postes à risque, définir les cas d’utilisation d’éthylotest, sensibiliser les agents et les cadres…). « L’ensemble de l’organisation doit avoir le même niveau d’information pour comprendre ce que sont les conduites addictives et pouvoir identifier les personnes potentiellement concernées », a rappelé Zouhir Chernine.  Le médecin de prévention et l’assistant social jouent tous les deux un rôle pour identifier les situations à risque et accompagner de manière collective et individuelle.

Pratiques inadaptées

Alfortville (94) a été accompagnée par le CIG Petite Couronne pour conduire une démarche globale de prévention des conduites addictives, à la suite notamment d’interpellations de managers sur des pratiques inadaptées dans leurs services. « Nous n’avions pas de cadre ni d’outils pour gérer ces situations. Les cadres ne savaient pas comment ils devaient réagir, quelles étaient leurs responsabilités », a expliqué Marie Sartori, chef du service prévention, santé et sécurité du travail.

Deux groupes de travail ont été constitués en 2007, l’un pour réfléchir aux outils de prévention, l’autre pour proposer un protocole destiné à rappeler la réglementation et donner la marche à suivre aux managers quand un agent n’est pas dans son état normal (utilisation des éthylotests et des tests salivaires, règle du zéro alcool dans les pots…). « Les encadrants sont encore accompagnés par la DRH pour sa mise en pratique, s’ils en expriment le besoin », a précisé Marie Sartori.

Protocole ajusté

À chaque étape de la démarche, les agents et managers d’Alfortville ont été consultés. En 2010 et 2011, une cinquantaine de réunions a été organisée dans les services pour présenter le protocole. La démarche a ensuite été évaluée et le protocole ajusté au regard des remontées de terrain. Entre 2012 et 2017, un important travail de communication a été conduit au sein de la collectivité (affichage, lettre RH, dépliant sur les cocktails sans alcool…). « Notre démarche a été très progressive », a insisté Marie Sartori. En 15 ans, la parole s’est libérée et les représentations ont évolué. « Le zéro alcool dans les pots est devenu normal alors que cela était inconcevable au départ », a tenu à souligner Marie Sartori. Les agents connaissent désormais les règles « mais il faut toujours continuer à inscrire le sujet dans le quotidien et donner l’exemple », a ajouté Marie Sartori.

Libérer la parole

Frédéric Brocard, directeur général des services de Dardilly (69), est également venu présenter la démarche menée au sein de sa collectivité, autour notamment des questions de consommation de cannabis et de psychotropes. « L’un des objectifs était de libérer la parole en informant et en formant. Nous voulions aussi arrêter de gérer au coup par coup en écrivant des procédures d’urgence », a-t-il indiqué. En parallèle de cette démarche, soutenue financièrement par le Fonds National de Prévention (FNP), un agent a été recruté au CCAS pour une mission de santé publique, incluant la prévention des addictions au sein de la population et du personnel municipal.

Un groupe de référents volontaires

Un comité de pilotage a été constitué avec notamment deux élus (ressources humaines et solidarité), le médecin du travail et l’ACMO (agent chargé de la mise en œuvre des règles d'hygiène et de sécurité). Mais l’originalité tient à la constitution d’un groupe de 12 référents volontaires, baptisé "La Cordée". « Ils avaient un rôle de veille et d’alerte », a expliqué Frédéric Brocard. Ces référents ont été formés pendant trois jours par un cabinet spécialisé sur la problématique des substances psychoactives. Le collectif de direction a également été formé pendant deux jours. Une charte a été élaborée ainsi qu’une procédure « très pratique » en cas de mise en danger de la personne ou de son entourage. « Aujourd’hui, ce n’est plus un sujet tabou ! », a fait savoir Frédéric Brocard. Le dispositif, qui n’était plus actif ces derniers temps, va être relancé à la suite de signalements.

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© Getty Images - Westend61 & La Gazette des communes

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