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PSC, quelle solidarité et quelle mutualisation ?

La MNT était partenaire d’une webconférence consacrée à la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC), organisée le 10 mai dernier par Weka, également en partenariat avec l’Association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion (ANDCDG). Outre un enjeu de santé des agents, la question de la solidarité est également au cœur de cette réforme. Permettra-t-elle en effet une couverture de tous, tant en santé qu’en prévoyance ? Et pour quelle mutualisation des risques ? Les deux intervenants, Caroline Regnier et Laurent Besozzi, partagent leurs regards et analyses.

Publié le 16-05-2022

Répondre à cet enjeu de solidarité est un impératif de cette réforme de la PSC. Mais beaucoup d’interrogations demeurent comme l’ont pointé du doigt Caroline Regnier, directrice générale adjointe du centre de gestion du Nord (CDG 59) et membre de l’ANDCDG, et Laurent Besozzi, vice-président de la MNT et vice-président de la MFP (Mutualité Fonction publique).

Montants planchers de participation et clause de revoyure

Les deux intervenants ont d’abord rappelé que les montants de participation, fixés par l’ordonnance du 17 février 2021 et le décret du 20 avril 2022, sont bien des montants planchers obligatoires mais sans plancher maximum, s’adressant donc en priorité aux collectivités qui ne participent pas ou en deçà de ces montants :

  • 7 euros en prévoyance, soit 20 % d’un montant de référence de 35 euros, à partir du 1er janvier 2025,
  • 15 euros en santé, soit 50 % d’un montant de référence de 30 euros, à partir du 1er janvier 2026.

Pour Laurent Besozzi, « la question qui se pose est celle du montant de référence en prévoyance. 35 euros en invalidité et en incapacité, c’est aujourd’hui une réalité économique qui n’existe pas. Il n’y a aucune offre du secteur mutualiste ou du secteur privé à 35 euros qui couvre l’invalidité et l’incapacité. Il y a deux leviers : législatif pour augmenter le pourcentage et gouvernemental, par décret, pour augmenter les montants de référence, aussi bien d’ailleurs en santé qu’en prévoyance ».

Et Caroline Regnier de compléter : « selon une enquête menée par l’IFOP pour la MNT en 2021, 89 % du panel des collectivités interrogées qui participent déjà le font au-delà de ces montants minimums. C’est certainement pour cela que le décret a introduit une clause de revoyure et qu’il prévoit des débats organisés au sein du CSFPT avant le 31 décembre 2023 en prévoyance et avant le 31 décembre 2024 en santé. C’est probablement aussi pour tirer le bilan des premières conventions qui seront lancées puisque les employeurs ne sont pas obligés d’attendre l’obligation ».

Dialogue social, labellisation, convention de participation à adhésion facultative ou obligatoire

« Il y aura aussi des débats à mener sur la réalité. 15 euros en santé et 7 euros en prévoyance, c’est un plancher. Cela va poser la question de la capacité des employeurs locaux à aller au-delà », estime Caroline Regnier. Du choix aussi qui sera fait par les employeurs en termes de participation. Pas pertinent non plus pour une collectivité de baisser sa participation selon Laurent Besozzi, « si l’on veut maintenir un dialogue social apaisé ».

Labellisation ou convention de participation à adhésion facultative ? Là encore le choix est laissé aux collectivités. « Et le champ des possibles est grand puisqu’une collectivité peut opter pour la labellisation et choisir finalement de passer sur une convention de participation », relate Caroline Regnier. « Cette liberté qui leur est donnée s’inscrit dans le cadre de la libre administration. Un choix qu’il était pour nous important de conserver, mais on ne peut pas traiter les deux risques de la même façon », précise Laurent Besozzi.

Et les intervenants de faire référence au contrat à adhésion obligatoire, une possibilité pour les collectivités en cas d’accord majoritaire avec les organisations syndicales. « En prévoyance, si nous voulons couvrir un vrai risque surtout en direction des jeunes agents qui ne pensent pas à l’accident, la maladie ou l’invalidité avec une perte très importante de revenus qui est une réalité, et équilibrer aussi ces types de contrat, il faut mutualiser le risque. Si on ne va pas sur l’adhésion obligatoire, les montants qui seront proposés par les contrats seront tellement élevés que la participation de l’employeur ne suffira pas à inciter l’agent à se couvrir », remarque Laurent Besozzi.

Solidarité intergénérationnelle, les retraités oubliés

« Les retraités sont ceux qui ont le plus besoin de cette protection sociale et d'une participation financière, et les seuls désormais oubliés », regrette Laurent Besozzi. Cette question centrale fait l’objet de négociations nationales qui ont débuté le 6 avril dernier, dans le cadre de la refonte du décret du 8 novembre 2011. « Il existe tout de même aujourd’hui un minimum de solidarité intergénérationnelle organisé par le décret de 2011, et notamment la possibilité de prévoir une clause dans le contrat pour que l'agent qui part à la retraite continue de bénéficier de la couverture négociée par son dernier employeur, précise Caroline Regnier. Mais cela ne concerne que les territoriaux encore dans la collectivité, pas ceux déjà à la retraite dont le lien avec l'employeur s’est arrêté et qui n’ont plus d’information. »

« La solidarité intergénérationnelle est au cœur de la promesse mutualiste. Ne pas avoir de mécanisme qui permette une solidarité intergénérationnelle est inacceptable pour nous, MNT et MFP », rapporte Laurent Besozzi. Et de rappeler le positionnement de la MNT depuis une dizaine d’années en faveur d’un système de péréquation horizontale, « une solution au coût nul pour les finances publiques. Pour la territoriale, l’Ircantec et la CNRACL, employeur des retraités, pourraient très bien gérer ce fonds ».

Mutualisation des risques, le rôle clé des centres de gestion

La question de la solidarité se pose aussi à l’égard des plus petites collectivités. « Pour elles, le rôle du centre de gestion (CDG) est fondamental. Mettre en place une convention de participation avec moins de 50 agents, c’est très lourd en termes d’ingénierie et nécessite d’avoir recours à un actuaire, une assistance à maîtrise d’ouvrage ce qui représente des coûts supplémentaires. Et surtout les opérateurs n’ont pas d’intérêt à se positionner sur une convention de participation de petites structures puisque la mutualisation des risques étant très limitée, les coûts ne sont pas maîtrisés. C’est là tout l’intérêt des conventions portées par les CDG », indique Caroline Regnier. Les CDG pourront donc faire de la mutualisation à l’échelle d’un territoire. « Et avec les schémas de régionalisation conclus entre CDG, nous pourrons même élargir au niveau interdépartemental, voire régional, ce qui permettrait de créer de la solidarité territoriale pour ces petites collectivités qui, toutes seules, ne peuvent pas porter ce type de convention ». Et Laurent Besozzi de confirmer : « ce sont les CDG qui seront les outils, les artisans de cette solidarité territoriale dans la mise en œuvre de la PSC en mutualisant le risque ».

Inégalités, concurrence, attractivité, coût de la réforme... 

« Le corollaire de la libre administration est le risque d’inégalités entre collectivités, auquel les territoriaux sont habitués, pour ne citer que le régime indemnitaire par exemple, même si en PSC les montants, comparés au RIFSEEP, sont plus modestes », analyse Laurent Besozzi.

Caroline Régnier précise : « Aujourd’hui il y a une crainte d’avoir un élément supplémentaire de concurrence entre employeurs territoriaux puisque c’était déjà le cas avec le RIFSEEP et puisque le décret ne prévoit pas de montant plafond. Les CDG peuvent là aussi jouer un rôle. A partir du moment où nous portons le dialogue social et nous nous mettons autour de la table entre employeurs et organisations syndicales notamment pour parler des montants de participation, nous pouvons porter des orientations de mutualisation des coûts, et en même temps une harmonisation des montants de participation pour éviter les concurrences territoriales entre employeurs sur un même bassin d’emploi ».

Dernier point important, celui de la charge financière que cette réforme de la PSC peut représenter et qu’il ne faut pas minimiser selon les intervenants. « Pour les collectivités qui n’ont pas de PSC et qui vont attendre 2025 et 2026, il y a un écueil : faire porter sur une année budgétaire des augmentations importantes », juge Laurent Besozzi. Et d’ajouter : « De cette réforme, il y a un autre enjeu à anticiper, plus politique pour les exécutifs : appliquer strictement la norme (ordonnance et décret) ou porter une politique volontariste de participation et montrer à ses agents, ses partenaires sociaux que la santé et les conditions de travail des agents sont une préoccupation dans la collectivité, ce qui en termes d’attractivité n’est pas neutre non plus. La portée politique et la portée dans le dialogue social n’auront évidemment rien à voir ».

Ecouter le replay du webinaire du 10 mai 2022

PSC : quelle solidarité et quelle mutualisation ?
Web-conférence du 10 mai 2022, de 11h à 12H.

Pour aller plus loin et décrypter la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des agents des services publics locaux :

© Weka ; AdobeStock

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