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Recrutement : comment attirer et fidéliser les talents ?

Méconnaissance des métiers et des missions, rémunérations peu attractives, stéréotypes sur le fonctionnement des administrations… les raisons du manque d’attractivité de la fonction publique sont connues. Comment contourner ces freins et séduire des candidats ? Comment renforcer sa marque employeur ? Au-delà de l’attractivité, comment entretenir la flamme des agents en poste ? Le 5 mai à Marseille, le Club RH de La Gazette a proposé des retours d’expériences et un tour d’horizon des stratégies à adopter.

Publié le 17-05-2022

Pour la ville de Marseille, qui doit recruter 950 personnes cette année, « la question de l’attractivité est cruciale », comme l’a rappelé Olivia Fortin, adjointe au maire en charge de la modernisation, du fonctionnement, de la transparence et de la coproduction de l’action publique et de lʼopen data, en introduction du Club RH du 5 mai dernier. L’occasion pour la nouvelle élue de dire aussi combien il est important de rendre aux agents « leur capacité d’agir ». Sans quoi, « quel que soit notre beau projet de politiques publiques, on ne pourra rien faire », a-t-elle affirmé.

La matinée a débuté avec la présentation du panorama de l’emploi territorial dans les Bouches-du-Rhône par Brigitte Galvin-Calappi, responsable du service emploi du centre de gestion de la fonction publique territoriale. D’où il ressort notamment que les contractuels et les femmes sont moins représentés au sein des effectifs territoriaux dans le département qu’au niveau national. La moyenne d’âge y est en revanche plus élevée (2,5 ans). L’absence aux concours a augmenté entre 2020 et 2021, tout comme le non-pourvoi des postes en raison de candidats en dessous des exigences. Résultat : « parmi les lauréats de concours, on n’a pas le vivier suffisant pour servir les besoins en recrutement des collectivités », indique Brigitte Galvin-Calappi.

Attractivité en berne à l’hôpital

Elsa Blanc, directrice des ressources humaines adjointe de l’APHM (Assistance publique hôpitaux de Marseille), a ouvert la table ronde consacrée à des retours d’expériences. Avec 1600 offres d’emploi et 150 postes non pourvus chaque année, sa structure est concernée, au même titre que les collectivités, par les problématiques d’attractivité. « Les explications données par les candidats sont : les rémunérations, des parcours sclérosés par des évolutions lentes et des passerelles interprofessionnelles peu visibles, la rigidité des concours pour les changements de grades et des conditions de travail trop difficiles », a égrainé Elsa Blanc.

Il y a un an, l’APHM s’est mise en ordre de bataille pour un « choc d’attractivité », à travers une communication intensive sur les métiers, en facilitant la mobilité interne et en optimisant l’organisation du temps de travail. Une réflexion a également été lancée sur la charge de travail ainsi qu’une démarche de digitalisation des process et de numérisation des circuits administratifs.

Une stratégie QVT, deux marques employeurs

De son côté, Emmanuelle Licitri, directrice générale adjointe mutualisée de la ville de Cavaillon et de l’agglomération Lubéron Monts de Vaucluse, a présenté les démarches entreprises autour de la qualité de vie au travail, de la deuxième partie de carrière et de marques employeurs propres à chacune des deux collectivités, qui n’ont pas les mêmes cultures. « Vous ne pouvez pas vendre la même chose pour un territoire de projet comme l’agglomération et un territoire de proximité comme la ville », a souligné Emmanuelle Licitri.

En plus d’aller à la rencontre des futurs candidats (sur des salons, dans les écoles, via des vidéos d’agents), les offres d’emploi sont rendues plus lisibles pour donner envie. « Nous affichons les salaires avec le Rifseep », a précisé Emmanuelle Licitri. Les entretiens de recrutement pour la ville se font désormais dans un espace culturel flambant neuf. « Les personnes se sentent attendues », a indiqué Emmanuelle Licitri. Un important travail a été mené sur l’accueil des nouveaux agents en partant du principe que « recruter ce n’est pas une thématique RH, c’est l’affaire de toute la collectivité ». L’accueil est préparé un mois avant l’arrivée et à J+15 le chef de service reçoit l’agent pour faire un point avec lui sur son intégration.

Des process de recrutement en partie automatisés

Pour Marseille, Antoine Casteigner, responsable adjoint du service recrutement et Cindy Chapdelaine, chargée de mission "Transformer nos pratiques", ont présenté la manière dont la ville réinvente son process de recrutement en cherchant « le chemin critique le plus court pour recruter rapidement et de manière sécurisée ». Une validation d’une proposition de rémunération, qui pouvait prendre jusqu’à trois semaines, se fait désormais en une heure grâce à un simple fichier excel. « Nous informatisons le traitement de masse », a expliqué Cindy Chapdelaine. Cela se traduit par une multidiffusion des offres, l’automatisation de l’accusé de réception des candidatures, une CVthèque exploitable et requêtable...

Cette informatisation permet de partager plus facilement les informations avec les directions opérationnelles. « Tout un travail d’acculturation est fait pour partager la fonction RH », a précisé Cindy Chapdelaine. En parallèle, la ville travaille de manière plus collaborative pour pouvoir solliciter l’expertise de partenaires comme Pôle Emploi. « Il faut aussi aller chercher les gens, s’inspirer des cabinets de chasse en travaillant en "mode vivier" et s’adresser de manière différente aux candidats dans nos offres, selon les profils », a préconisé Antoine Casteigner.

Oubliez le diplôme, misez sur les compétences

Emmanuelle Comont, directrice de l'agence Pôle Emploi Marseille Blancarde, a conclu cette première table ronde de retours d’expériences en présentant la méthode de recrutement par simulation. Celle-ci consiste à identifier les compétences requises pour exercer un poste et à mettre en place des tests par le jeu, pour sélectionner les candidats. « On peut ainsi aller chercher des profils d’horizons différents, qui peuvent transférer leurs compétences professionnelles et personnelles », a indiqué Emmanuelle Comont. Une nouvelle méthode de détection de potentiels va également être mise en place par Pôle Emploi afin de faire découvrir des secteurs, filières et métiers qui recrutent.

Pour attirer, des employeurs n’hésitent plus à adapter les horaires et plannings en fonction des souhaits des salariés. Le climat social dans l’entreprise est aussi très important pour les candidats. « Les entreprises qui arrivent à fidéliser sont celles qui font de l’accompagnement à la prise de poste », a également pu observer Emmanuelle Comont. Dans le cadre de mobilités professionnelles, il est intéressant de proposer, en complément, un accompagnement à l’installation.

Miser sur un management innovant

La seconde partie de la matinée a donné la parole à des représentants des nouvelles générations d’agents afin qu’ils partagent leur vision d’une fonction publique attractive.

Driss Bennis, trésorier de l’association Fonction publique du 21eme siècle (FP21) a présenté la note de son association intitulée Apporter les croissants n’est pas un outil managérial. 13 propositions pour un management du 21e siècle, rédigée à la suite d’une consultation interne sur les facteurs d’attractivité au sein de la fonction publique, qui a mis en évidence l’importance des pratiques managériales.

Selon les conclusions de cette enquête, un management innovant passe par la formation continue, la mise en place d’un accompagnement à la prise de poste des managers comme le dispositif de mentorat mis en place par FP21, mais aussi par la formalisation des stratégies managériales et la promotion de la notion de responsabilité fonctionnelle « par-delà les liens hiérarchiques d’un organigramme », a souligné Driss Bennis.

Incarner des valeurs 

Pour Damien Zaversnik, coprésident de l’association La Cordée, c’est en misant sur la diversification des profils sociaux que la fonction publique pourra se rendre à nouveau attractive. « Il n’y aura pas d’attractivité sans renouer avec le pacte social qui a prouvé que la fonction publique était un moteur d’ascension sociale formidable », a-t-il assuré. Au-delà d’une approche « métiers », Damien Zaversnik a insisté sur la nécessité de parler des valeurs et de les faire s’incarner concrètement par les agents.

« Il n’y a pas de meilleure marque employeur que le discours porté par ses propres agents », a-t-il expliqué. D’où l’importance de développer le mentorat. Le service public ne peut pas, non plus, réussir seul. Il faut dialoguer entre fonctions publiques mais aussi avec d’autres acteurs, d’autres associations. Et de prévenir, pour conclure : « il n’y a pas d’effet plus délétère que la discrimination à l’embauche en termes d’image pour un employeur. Il faut être exemplaire sur l’égalité de traitement ».

Guillaume Hermitte, président de l'association ENA3C (élèves et anciens issus du troisième concours de l'ENA), conseiller à la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur, a quant à lui présenté l’École des transformateurs publics. Créée à Marseille avec différents partenaires publics et privés, elle a pour objet de former des agents « autour de messages et compétences clés : la fierté d'être un agent public, la créativité, la coopération, la conduite de projet, le coaching », comme il l’a expliqué.

Les agents au cœur du projet d’administration

Pour conclure la matinée, Emeric Bourgues, directeur de la performance publique et de l’évaluation de Marseille, a présenté le processus d’élaboration participatif du nouveau projet d’administration de la collectivité. Un projet qui, à travers le "QMQV" à savoir "qui mieux que vous", redonne le pouvoir d’agir aux agents.  Ce projet s’appuie sur un triptyque de mobilisation (projet de direction, ateliers collectifs et boîte à idées). Une assemblée des agents a été constituée avec 25 agents volontaires, choisis sur des critères de représentativité, pour proposer des valeurs et des méthodes.

En complément, Gilles Delaloy a présenté le lab’ d'innovation et de transformation de la ville de Marseille. Un dispositif destiné à « concrétiser l’ambition du pouvoir d’agir ». Il s’adresse aux directions et aux agents pour produire de l’action publique et pour aider l’organisation à se transformer. Gilles Delaloy a insisté sur le fait qu’un lab’ « n’est pas qu’un lieu mais surtout une démarche » qui accompagne dans la réalisation, qui est actionnable par tous, avec des projets concrets et des impacts mesurables. La logique c’est « d’abord tu le fais, après tu le fais bien, ensuite tu le fais mieux ».

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Les Clubs RH : des rencontres d'actualité

Les Clubs RH La Gazette sont des rencontres d’actualité pour les professionnels des ressources humaines de collectivités territoriales qui souhaitent enrichir leur expertise, partager leurs expériences ou encore élargir leurs réseaux professionnels. Le prochain Club RH aura lieu le 2 juin à Rennes sur le thème de la transition numérique.

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