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Restauration scolaire : un service entièrement repensé pour limiter au maximum les risques

Une organisation millimétrée, des procédures très strictes pour le personnel, un service en réfectoire à la table et un autre à la rampe… la crise sanitaire a demandé à Laure-Marie Lempereur, agent de la Région Grand Est et chef de cuisine au lycée Simon Lazard de Sarreguemines (57), un travail conséquent en très peu de temps pour accueillir élèves et personnels midi et soir. Une exigence pour être dans le respect des règles d’hygiène et des protocoles, sortis très tardivement.

Propos recueillis en juin 2020.

  • Quelles sont les mesures mises en place pour appliquer les nouvelles obligations dans ce contexte ?
  • Toute une maintenance a dû être mise en place pour bien être dans les règles : faire venir un chauffagiste pour créer un choc thermique à 70 degrés afin d’éliminer les microbes, réaliser des analyses de légionellose par un laboratoire, effectuer la désinfection des ascenseurs et monte-charges puisque la cuisine est au sous-sol et le réfectoire au 1er étage, demander l’intervention d’un technicien pour remplacer les buses qui n’étaient pas adaptées, etc. Il a fallu également se procurer un stock assez conséquent de produit virucide. Nous avons eu à changer de produit pour un autre répondant à la norme EN14476, adapté au lavage quotidien de toutes les surfaces, tables, chaises, sols, poignées de portes, interrupteurs, mais aussi de la cuisine… Pour être efficace, les dosages et temps d’action à respecter sont d’ailleurs différents de nos produits habituels. J’ai enfin entièrement repensé et réorganisé le service de restauration avec la mise en place de protocoles stricts pour les agents de mon équipe (désinfection, linge, vestiaire, déchets, etc), pour les marchandises et pour le réfectoire afin de respecter les gestes barrière, les distanciations, les mesures de protection… J’ai fait le choix d’assurer la préparation des repas en traditionnel et à la rampe.

  • Comment avez-vous préparée leur mise en œuvre ?
  • Il n’y avait pas vraiment de priorités puisque tout était prioritaire ! J’ai donc procédé étape par étape même si tout est venu en même temps. C’était d’autant plus difficile que notre structure intègre collège et lycée pour lesquels nous avons deux protocoles distincts, et nous comptons aussi un internat avec des repas différents midi et soir. Pour la première phase de déconfinement, et une reprise le 2 juin, j’ai réfléchi en amont à l’organisation du service. Le mardi 26 mai, j’ai effectué une visite avec ma hiérarchie fonctionnelle, l’administration, l’infirmière, les surveillants pour leur expliquer le fonctionnement à mettre en place. Et le lendemain, nous avons recommencé avec les personnels du collège. J’ai ensuite pris le temps d’échanger avec mes collègues pour les sensibiliser aux mesures de protection et leur expliquer le fonctionnement pour chaque poste. Nous continuons à nous ajuster au jour le jour. Sachant que nous recevons une estimation approximative du nombre d’élèves le vendredi pour la semaine suivante.

  • Comment appliquez-vous ces mesures ?
  • Nous avons une capacité d’accueil de maximum 50 personnes par groupes de 25, distanciés par des chaises de couleur. Deux créneaux horaires ont été mis en place pour accueillir d’abord les collégiens, puis les lycéens, et enfin le personnel et les professeurs, limités à 8, qui doivent réserver à la semaine. J’ai souhaité un élève par table, distantes les unes des autres d’1,20 mètre. Les plateaux repas sont déjà installés sur les tables et le service se fait à table. Un autre service s’effectue également à la rampe. Chaque convive a un contenant sur son plateau pour les déchets et doit en partant déposer son plateau tel quel mais jeter les bouteilles en plastique dans une poubelle prévue à cet effet. L'affichage relatif aux procédures et protocoles à respecter est omniprésent  pour le personnel (pourquoi et quand se laver les mains, comment utiliser le gel hydroalcoolique, comment utiliser masques, gants…, comment traiter ces déchets pour lesquels d’ailleurs nous avons acheté des sacs jaunes spécifiques comme à l’hôpital, etc.) Des poubelles à pédales ont par ailleurs été installées dans chaque secteur.

  • Qu'est-ce qui a changé dans votre façon de travailler ?
  • Un retour en arrière sur la réapparition du plastique qui me dérange. Nous sommes en contradiction avec la loi « EGalim »(1) mise en œuvre depuis le 30 octobre 2018 qui vise entre autre à limiter l’utilisation les plastiques. Mais nous n’avons pas d’autre choix, par exemple, que de mettre des bouteilles d’eau en plastique sur les plateaux faute de temps pour servir individuellement les élèves. Chaque minute est précieuse. J’ai également réorganisé les tâches des agents de mon équipe, chacun étant affecté à une mission et travaillant seul pour respecter les distances : une personne est chargée de désinfecter lorsque les élèves partent, une deuxième  remet les plateaux, une autre à la plonge, etc. J’ai continué de communiquer avec mon équipe et tout s’est bien passé. S’il n’y a pas d’échanges, cela ne peut pas fonctionner. J’ai ainsi profité du temps de pause pour discuter avec les agents sur cette situation. J’ai remarqué la peur d’un agent que j’ai essayé de rassurer autant que possible, et à qui j’ai porté une attention particulière.

  • Rencontrez-vous ou avez-vous rencontré des difficultés ?
  • Les informations qui étaient valables hier ne le sont parfois plus le jour même... J’étais seule à penser ou repenser l’organisation et j’appréhendais cette situation inédite. Nous avons déjà un protocole d’hygiène strict en place, mais les protocoles sanitaires ont mis énormément de temps à sortir. Nous n’avions pas de consignes propres à chaque établissement, j’ai donc composé avec les informations reçues. Personnellement, je me suis référée au guide du retour dans mon établissement qu’a réalisé la Région et j’ai effectué des recherches sur les sites Internet de l’Agence régionale de santé (ARS), du CNFPT (sur e-communauté Covid-19), du gouvernement (educ.gouv.fr, solidarites-sante.gouv.fr), etc. Nous nous appelons aussi avec les collègues d’autres lycées. Je remarque en revanche que les élèves étaient beaucoup plus apaisés. Nous n’avons jamais vu le réfectoire aussi calme !

  • Comment s'annonce la rentrée ? Qu'est-ce qui est prévu ?
  • Si nous sommes encore dans cette situation, j’opterai pour un autre service en parallèle pour pouvoir accueillir tout le monde. Cela me tient à cœur ! Je ne peux pas pousser les murs. Mais nous avons une autre grande salle où nous pouvons ajouter 40 couverts. Je proposerai alors un service sandwicherie avec des sandwichs operculés pour être toujours dans le respect des règles sanitaires. Il est pour moi impossible de faire manger les élèves en classe. J’applique strictement les protocoles d’hygiène et, dans les conditions actuelles, le respect des températures ne peut pas se faire.

  • Est-ce que vous appréhendez la prochaine année scolaire ?
  • De manière générale non, néanmoins je pense qu’à moyens humains constants l’équipe va devoir s’investir encore plus qu’à l’accoutumée mais je sais pouvoir compter sur mes collègues. Dans ces conditions sanitaires, nous ne pouvons plus utiliser le salade bar et le bar à fromages. Nous dressons les entrées à l’assiette et les desserts en verrine. Ce qui nécessite de la place pour les stocker au frais. Sans parler de l’impact sur le coût et le gaspillage puisque les élèves en se servant au bar ne prennent que ce qu’ils mangent…
    Mon rôle est important mais je ne suis pas infaillible. Nous avons limité au maximum les risques de contamination avec des protocoles et des mesures de protection très strictes ce qui me rassure, même si le risque zéro n’existe pas.

(1) loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

© DR

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