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Salon des maires 2023 : table ronde et plaidoyer sur la PSC

La MNT organisait, à l’occasion du Salon des maires et des collectivités locales, mercredi 22 novembre 2023, un événement « où en sommes-nous sur la protection sociale complémentaire (PSC) ? », avec les interventions de Emmanuelle Rousset, co-présidente de la commission FPT de France Urbaine, d'Anne Marion, présidente du cabinet Actuarielles, ainsi que des membres de la Coordination des assureurs mutualistes qui ont présenté leur deuxième plaidoyer sur la réforme de la PSC.

Légendes photos : table ronde sur la PSC au Salon des maires et des collectivités locales, le 23 novembre 2023 ; Emmanuelle Rousset avec l'animatrice de la table ronde Estelle Chevassu ; Anne Marion et Estelle Chevassu ; des membres de la CAM dont Didier Bée, président de la MNT ; l'assistance. © Antoine Repessé

Publié le 29-11-2023

Le 11 juillet dernier, les représentants des employeurs territoriaux et les organisations syndicales (OS) signaient un accord national important pour la protection sociale complémentaire (PSC). « Toutes les parties prenantes avaient vraiment envie d’avancer au service des agents et particulièrement des agents les plus fragiles, d’où le "paquet" qui a été mis sur la prévoyance. C’est un risque important à couvrir et c’est notre priorité au regard de la spécificité des métiers de la FPT et de l’exposition de nos agents, surtout de catégorie C, comme l’a d’ailleurs confirmé la dernière étude de l’Observatoire de la MNT sur l’absentéisme », a indiqué Emmanuelle Rousset.

Anne Marion a salué ces négociations et « d’avoir rendu la prévoyance obligatoire », en précisant que le point de vigilance, « c’est la prévoyance avant la santé » : « un invalide avec un complément de revenu sans mutuelle pourra s’acheter des lunettes, un invalide sans complément de revenu avec une mutuelle renoncera à des soins ». Tout en soulignant les avancées significatives de cet accord, la Coordination des assureurs mutualistes (CAM) a, quant à elle, formulé des propositions et pistes d’améliorations dans le cadre de son nouveau plaidoyer. Objectif : rendre la réforme de la PSC la plus protectrice possible pour les agents territoriaux.

Contrats obligatoires, participation à 50 %, solidarité en prévoyance

L’accord introduit une couverture de la prévoyance dans le cadre de contrats collectifs à adhésion obligatoire, avec une cotisation qui sera partagée à parts égales entre la collectivité et l’agent. « Cela a amené des débats dans nos conseils d’administration puisque c’est une nouvelle dépense, que l’on se donne nous-même. Mais la plupart des collectivités prennent déjà en compte l’accompagnement des agents sur la prévoyance, plus que sur la santé d’ailleurs », précise Emmanuelle Rousset. Et de souligner qu’une fois ce débat posé, il y a eu unanimité des associations qui ont ratifié ces dispositions, aussi bien l’Association des maires de France que l’Association des maires ruraux de France, France Urbaine, etc. « Il va falloir maintenant, et c’est le travail que font les centres de gestion, inventer des réponses simples pour que les communes de strate plus petite aient accès à de la mutualisation, pour que le maire d’une petite commune n’ait pas à porter seul ces enjeux. Comment on joue en fait, à l’échelle d’un bassin de vie, la solidarité entre les collectivités. »

Alerte sur la situation en prévoyance, reprise des risques en cours

Pour Anne Marion, « tous les indicateurs en prévoyance sont au rouge avec les effets rebond du Covid, l’inflation, un absentéisme qui explose et donc la fréquence de sinistralité qui augmente… Et attention, ça risque d’empirer ». Et d’évoquer également deux autres points qui vont jouer sur la prévoyance : les taux d’intérêt financiers en expliquant que « la baisse des taux va peser sur l’arrêt de travail », ainsi que le vieillissement et la réforme des retraites « avec notamment un risque décès multiplié par 100 entre 30 ans et 70 ans ».

Autre sujet important : la reprise des agents déjà malades et en arrêt de travail. « C’est le gros point qu’il faudra prendre en considération quand on met en place un régime pour la première fois », estime Anne Marion. « Les assureurs n’ont pas la pierre philosophale et vont avoir besoin d’argent pour couvrir ces reprises. Cela aura un coût considérable ». Avec une différence, selon elle, entre les petites mairies et les maires plus importantes, « les grosses mairies ayant des arrêts de travail plus fréquents ».

Des avancées en santé mais insuffisantes, enjeu du dialogue social

Le décret du 20 avril 2022 prévoit une participation des employeurs à hauteur de 15 euros par agent en santé. Nouveauté importante pour Emmanuelle Rousset qui reconnaît que « ça ne sera pas suffisant, et que le panier à 30 euros est déconnecté de la vie réelle ». Selon elle, « il est difficile de s’engager à la fois en prévoyance à hauteur de 50 % et de manière aussi importante en santé », tout en indiquant qu’il faudra retravailler sur ces enjeux, dans le cadre des négociations en santé qui débuteront normalement début 2024. « Il faut aussi se donner le temps ; le temps de la prévention, de diffuser cette culture de la prévoyance, de l’anticipation, de la PSC  ». Et de préciser qu’avec les organisations syndicales, ils souhaitent « faire un kit pédagogique pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de ces éléments et pour faciliter le dialogue social local. Nous avons la libre administration et à l’échelle de chaque collectivité, si elles en ont la capacité, elles peuvent aller au-delà de ce que prévoit l’accord. »

Points de vigilance sur le panier en santé

Anne Marion a alerté les élus, dans le cadre de leur appel d’offres, sur les moins-disants. « De par mon expérience de négociatrice, acheter bon marché finit toujours par coûter extrêmement cher. Je recommanderais plutôt de choisir le mieux-disant. » Alerte également sur le coût du panier en santé qui n’est plus à 30 euros aujourd’hui : « c’était quand on avait 40 ans il y a 5 ans ! Il a fallu absorber le vieillissement, les transferts de charge du régime de base et nous n’en sommes qu’au début… Ce n’est donc pas le moment d’acheter au juste prix parce qu’il va falloir amortir les hausses inévitables du prix de la santé. Dernière en date, le désengagement en dentaire ». Sans parler du 100 % Santé, déceptif, puisqu’il ne prend pas en charge les dépassements d’honoraires, les implants dentaires, l’orthodontie, la chambre particulière en hospitalisation, etc. « Je dirais donc que le coût du panier se situe plutôt à 40-45 euros ».

Interrogations et discussions sur le ratio en labellisation santé

Le changement de ratio de solidarité en labellisation, qui passe de 1 à 3 à 1 à 2, est introduit par l’accord, non sans interrogations du côté des assureurs mutualistes. « Cette question a fait l’objet de discussion, nous avons écouté les uns et les autres, auditionné et entendu aussi les mutualistes », a indiqué Emmanuelle Rousset, en relevant le fait que « la labellisation en santé est encore possible ». Certains voulaient en effet aller au-delà, et « aller sur du contrat obligatoire y compris en santé ». Et d’ajouter que « le ratio du 1 pour 2 nous a paru raisonnable », avec l’objectif de protéger le maximum d’agents parce que « nous sommes dans une phase de transition, que le marché de la PSC évolue et que pour couvrir 1,9 million d’agents territoriaux demain, il faudra aussi développer de nouvelles offres ». Ce changement de ratio paraît, pour la CAM, « préjudiciable au critère de solidarité et in fine au dispositif même de labellisation ».

Appel à travailler sur le changement de ratio et la couverture des retraités

« Pour financer ce nouveau ratio, il faudra nécessairement augmenter les tarifs des plus jeunes qui se tourneront vers des offres non labellisées. Un tel changement entraînera sur le long terme, une moindre contribution des plus jeunes à la solidarité envers les plus anciens », pointent les assureurs mutualistes avec, au-delà du ratio, toute la question de la couverture des retraités qui se pose avec acuité « car ils risquent d’être les grands perdants de la réforme ». Didier Bée, président de la MNT, au titre de la CAM, précise qu’« il ne s’agit pas de contester mais de dire attention danger. On est au milieu du gué et il y a encore des progrès. Comme pour toute loi ou tout décret, on a le droit de venir le toiletter, l’améliorer, et nous revendiquons aussi un droit à l’évaluation ». La CAM demande que soit « réaborder cette question (du ratio) dans les deux prochaines années conformément au calendrier proposé par l’accord » et estime indispensable « que des travaux soient lancés sur ce sujet par des actuaires indépendants et connaisseurs du risque santé individuel ».

Nouveau plaidoyer des assureurs mutualistes, propositions argumentées

Outre cette question du changement de ratio, le nouveau plaidoyer de la CAM formule plusieurs propositions, appuyées d’un argumentaire technique, visant à accompagner la réforme en cours. Elle pointe ainsi l’encadrement des pratiques contractuelles et les équilibres globaux des différents régimes de participation. « L’enjeu premier, c’est de trouver le juste équilibre entre les demandes des collectivités et les exigences de la norme assurantielle auxquelles sont soumis les opérateurs et dont l’accord du 11 juillet 2023 ne tient pas suffisamment compte ». Une attention particulière doit être également portée à la prévention, la CAM défendant « une politique équilibrée de prévention qui s’appuie sur trois niveaux : primaire (prévenir), secondaire (protéger), tertiaire (réparer) », et encourageant « une analyse précise des absences dans la collectivité ».

Transposition réglementaire et législative de l’accord en cours

« Le ministre Guerini a donné comme priorité à la DGCL de s’atteler à cette transposition. C’est en cours, et nous aurons bientôt un Conseil supérieur de la FPT dédié à l’avancée des travaux », a annoncé Emmanuelle Rousset, précisant que « c’est un accord un peu complexe, avec une partie législative, une partie réglementaire et une partie de transcription automatique ». La vigilance reste donc de mise, et « nous restons aussi attentifs à ce que la transposition se fasse assez vite ». Un certain nombre de collectivités n’ont toutefois pas attendu la transposition, menant déjà un dialogue social sur la PSC dans leur collectivité, en lien avec les enjeux d’absentéisme, d’usure au travail, de réforme des retraites… Comme le remarque Emmanuelle Rousset : « toute démarche qui s’anticipe, qui prend le temps du dialogue social, est bienvenue, même si je comprends que certaines préfèrent attendre, parce que le diable se niche dans les détails ».

La CAM a annoncé, dans l’intervalle qui conduira à la transposition des termes de l’accord, « continuer à travailler collectivement au décryptage des choix proposés par les employeurs publics locaux et les représentants syndicaux concernant le ratio en santé et l’encadrement des pratiques contractuelles et d’équilibres globaux des différents régimes de participation ».

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Démarche inédite des assureurs mutualistes, inscrite dans la durée

Depuis 2022, plusieurs acteurs spécialisés dans la PSC des agents de la FPT (Intériale, la MNFCT, la MNT, MUTAME & PLUS, Mut’est, Mutuelle de la Corse, Mutuelle complémentaire des agents publics, l’UNMFT, le Groupe Relyens) se sont regroupés en coordination d’assureurs mutualistes, dans une démarche inédite, « exemplaire et remarquable », comme l’a fait remarquer Laurent Adouard, directeur général de la MNT. « Nous sommes souvent concurrents sur le terrain mais nous avons su nous rassembler dans l’objectif de défendre la FPT, de défendre un système qui est celui de la PSC et de proposer aux employeurs et aux représentants des agents, un système qui sera pérenne, équilibré dans le temps et qui portera un bénéfice pour la FPT ». Un an après son premier plaidoyer, la coordination continue de partager son expérience et publie donc un nouveau plaidoyer.

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Le mutualisme, c’est quoi ?

« L’assurance, qu’elle soit mutualiste ou non, c’est qu’en contrepartie d’une cotisation acceptable, je me prémunis d’une perte financière potentielle inacceptable et chaque mot est important, pour réfléchir à une protection sociale, pour construire des cahiers des charges », rappelle Anne Marion. Et d’attirer l’attention sur la hiérarchisation des risques, « en se souvenant que l’assurance, c’est vraiment de limiter les pertes financières liées à un accident, une maladie ou une mort. Nous avons des assureurs mutualistes qui ne peuvent pas perdre indéfiniment de l’argent, même s’ils organisent la solidarité intergénérationnelle. L’avantage du mutualisme, c’est qu’il n’y a pas d’actionnaires à rémunérer et l’objectif, c’est de mutualiser les risques. La mutualisation, c’est mutualiser les gains et individualiser les pertes, même si c’est difficile à comprendre. La PSC, c’est compliqué parce que c’est important d’avoir une bonne PSC alors même que je préfère ne pas m’en servir... ».

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Pour aller plus loin et décrypter la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des agents des services publics locaux : Protection sociale complémentaire dans la FPT : tout savoir sur la réforme

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