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Penser la PSC dans le cadre d’un modèle solidaire et mutualiste

Le 17 octobre 2023, la MNT était partenaire d’une webconférence organisée par Les Editions Weka portant sur la protection sociale complémentaire (PSC) et sa mise en place dans un cadre solidaire et mutualiste. Cet enjeu est au cœur de la réforme actuelle, marquée par la signature d’un accord national, le 11 juillet dernier, introduisant des dispositions visant notamment à renforcer cette dimension solidaire. Explications avec trois intervenants experts, Philippe Laurent, Laëtitia Allut et Laurent Besozzi.

Publié le 20-10-2023

« Nous sommes très en retard par rapport au secteur privé et il faut absolument que la fonction publique, et notamment la fonction publique territoriale (FPT), rattrape ce retard, a d’abord tenu à rappeler Philippe Laurent, maire de Sceaux, président du Conseil supérieur de la FPT, porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux. C’est un sujet de solidarité, mais c’est aussi un sujet de santé au travail et d’attractivité pour nos agents. Je rappelle que la FPT, ce sont environ 2 millions d’agents, soit 8 % de la population active en France ! Nous avons besoin de ces agents qui travaillent auprès des gens, pour faire fonctionner notre société. Or ces agents ont des rémunérations faibles, voire très faibles, et nous avons ce devoir collectif de pouvoir les accompagner dans les coups durs de la vie. »

Prise de conscience des enjeux et du risque prévoyance

Les intervenants ont salué l’engagement des employeurs à participer à la complémentaire de leurs agents constatant qu’un grand pas avait été franchi. Pour rappel, cette participation devient obligatoire à compter du 1er janvier 2025 en prévoyance et du 1er janvier 2026 en santé. « Depuis la parution des premiers textes au début des années 2010, nous avons parcouru un sacré chemin, grâce notamment aux opérateurs qui ont "travaillé au corps" les employeurs, et qui ont fait prendre conscience des enjeux aux agents », remarque Laëtitia Allut, directrice des départements emploi et prévention au CIG de la Grande Couronne.

« On considère enfin que la prévoyance est un risque, souligne Laurent Besozzi, vice-président de la MNT, président de l’Observatoire MNT, trésorier général de la MFP, et administrateur de la FNMF. Il fallait assurer ce risque, qui peut paraître éloigné quand on est en bonne santé et qui, pourtant, nous touche tous et à tous les âges. Et il fallait le mutualiser pour ne pas que des collègues se retrouvent dans des situations financières extrêmement difficiles, en plus de la maladie, en plus du handicap. On va ainsi passer de moins de 800 000 personnes assurées en prévoyance à 2 millions, c’est-à-dire la totalité des agents territoriaux. »

Adhésion des plus jeunes, solidarité intergénérationnelle

Une question a été soulevée concernant l’adhésion des jeunes : comment en effet les faire adhérer ? Faire prendre conscience des risques encourus, c’est se heurter à un biais connu de tous, à savoir « c’est pour les autres ». Laëtitia Allut prône une approche solidaire, à l’heure où l’on parle de sens au travail, où l’on se questionne sur son utilité pour la société. « Nos jeunes, et pas seulement d’ailleurs, ont quand même choisi le service public et ce n’est pas pour rien, ils ont besoin de vivre au quotidien la solidarité. Elle va s’exprimer avec telle mutuelle qui organise des ateliers recréant des liens entre jeunes et plus âgés, autour de sujets comme l’illectronisme, le mentorat ou même le tricot ! Et tout cela lutte contre la désinsertion professionnelle et la désinsertion sociale qui sont intimement liées, et peut permettre à nos jeunes de se sentir bien dans le collectif. » Sur cet enjeu de la solidarité intergénérationnelle, Philippe Laurent juge pour sa part « qu’il faudra aller sur le contrat à adhésion obligatoire, concernant en tout cas la prévoyance ».

Une responsabilité collective, au niveau national et local

Le risque d’inégalités, voire de concurrence entre les collectivités territoriales, existe et pose la question de la charge financière que peut représenter la mise en œuvre de cette réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) pour certaines d’entre elles. « Des différences de moyens peuvent être observés entre les collectivités, ce qui n’est pas nouveau. C’est pour cela que l’on a mis en place des systèmes de péréquation qu’il faut sans doute améliorer. Il peut se poser en effet un problème budgétaire mais si on se dit cela, on ne fait plus rien et on ferme des services publics ! Il y a donc une responsabilité collective, de l’exécutif national et des exécutifs locaux sur cette question. Je regrette en fait que nous n’abordions pas ces sujets de manière globale. On ne gardera pas le niveau actuel de service public, notamment au niveau local, s’il n’y a pas un effort important qui est fait globalement à la fois sur la rémunération et sur la qualité de vie au travail de nos agents », estime Philippe Laurent.

« Pourquoi ne pas faire une dotation aux collectivités territoriales pour la santé et la prévoyance des agents territoriaux ?, questionne Laurent Besozzi. Les collectivités territoriales ont de moins en moins de marges de manœuvre sur leurs dépenses et leurs recettes, et il faut bien compenser. Et ce ne sont pas des sommes énormes au regard du budget de l’Etat. »

Les centres de gestion, des facilitateurs pour les collectivités

« Les collectivités ont parfois une problématique de connaissance technique du sujet et les employeurs peuvent se trouver démunis, note Laëtitia Allut. Les centres de gestion (CDG) sont donc un outil intéressant puisqu’ils ont la compétence et la connaissance et peuvent accompagner les collectivités et faciliter la mise en œuvre des contrats. »  Attention toutefois concernant une collectivité qui solliciterait un CDG ayant déjà relancé une convention de participation suite à l’ordonnance du 17 février 2021 et le décret du 20 avril 2022. « Des systèmes vont être trouvés entre les CDG et les opérateurs mais ça ne sera pas automatique et ça ne se fera pas sans qu’il y ait un regard, certes bienveillant, mais juste de la mutuelle sur les statistiques de la collectivité avec un tarif correspondant », précise Laëtitia Allut.

Il a également été rappelé que tous les centres de gestion disposent des données sociales des collectivités dans le cadre du Rapport social unique (RSU) et ont donc la capacité de montrer aux opérateurs et aux employeurs un état des lieux du risque maladie et de faire de la prospective. « Nous sommes à N-1 de l’obligation de participation à la prévoyance et les CDG vont proposer chacun, ou selon leurs ententes régionales, des solutions aux collectivités sur les territoires. »

Montée en puissance progressive, anticipation de la réforme

« Anticiper la mise en œuvre est important et vertueux pour les dirigeants des collectivités. C’est montrer l’implication et la préoccupation qu’ils ont de la santé de leurs collaborateurs, de leurs agents. En termes de dialogue social, c’est montrer qu’il y a une prise en compte des problématiques de santé et de bien-être au travail et une volonté. Et budgétairement, c’est une montée en puissance progressive jusqu’en 2025 et 2026 », relate Laurent Besozzi. Et de préciser qu’outre les conventions de participation, anticiper c’est aussi délibérer une participation sur des contrats labellisés qui sont des contrats solidaires qui répondent à des normes fixées par l’Etat, « une solution simple, qui permet de voir venir et d’attendre sereinement que l’accord collectif du 11 juillet dernier soit transposé ».

Un accord national pour renforcer les solidarités

« Les employeurs territoriaux se sont mobilisés au travers de la coordination des employeurs territoriaux pour engager, au-delà des textes, cette négociation avec les organisations syndicales qui a permis d’aboutir à cet accord du 11 juillet dernier », rappelle Philippe Laurent. Celui-ci introduit de nombreuses avancées en prévoyance et notamment des contrats collectifs à adhésion obligatoire avec limitation des barrières à l’entrée des contrats collectifs de prévoyance. La santé doit faire l’objet de nouvelles discussions dans le cadre du dispositif de revoyure mais l’accord prévoit certaines dispositions dont la mise en place d’un Fonds national de solidarité bénéficiant aux agents actifs et aux retraités.

Est également prévue la réduction des écarts de cotisation avec un passage d’un ratio de un à deux au lieu de un à trois actuellement, « qui va à l’encontre de la solidarité intergénérationnelle, selon Laurent Besozzi. En voulant limiter l’augmentation pour les plus âgés, en réalité, on va exclure de nouveau les plus jeunes. Entre deux et trois, il y avait peut-être un mi-chemin que le collectif des assureurs mutualistes des agents des services publics locaux peut faire ». Un message entendu par Philippe Laurent : « J’ai cru comprendre que le gouvernement s’interrogeait aussi sur la question dans le cadre de la transposition réglementaire. Est-ce qu’il va estimer que cet accord n’est qu’indicatif et proposer des textes qui ne correspondent pas tout à fait à l’accord sur ce point et éventuellement sur d’autres ? Cela pose problème quant au respect du dialogue social et j’attends de voir quelles seront les propositions faites par le gouvernement... ».

Transposition de l’accord et état actuel du droit

Quid en effet de la transposition réglementaire et législative de l’accord ? « Le travail a commencé et est en cours, piloté par la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Mais à ce jour, je n’ai pas vu de projet de texte(s). J’espère que cela arrivera rapidement pour ne pas que nous soyons en retard sur le plan mise en œuvre après avoir été en avance sur le plan du dialogue social, par rapport à la fonction publique d’Etat », confie Philippe Laurent. Et Laëtitia Allut de préciser la situation actuelle quant à la mise en œuvre de la réforme de la PSC : « nous sommes dans un état du droit qui se partage entre le décret de 2011 et sa circulaire d’application sur les aspects pragmatiques de la mise en concurrence, des critères d’attribution, etc. et l’ordonnance de 2021 et le décret 2022 sur les garanties minimales en santé et en prévoyance et les montants de référence qui portent pour l’instant à 7 euros la participation en prévoyance et à 15 euros en santé ».

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Pour aller plus loin et décrypter la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des agents des services publics locaux :

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